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Exactement comme vous

Exactement comme vous

"Vous trouverez ci-dessous le contenu d’une lettre que j’ai reçue il y a plusieurs années de cela.  Elle ne m’appartient pas, mais je l’ai conservée pour ne pas oublier à quelle vitesse notre passion peut changer à tout jamais.  J’ai omis les noms et lieux exacts; ça pourrait être n’importe qui, n’importe où.  C’est en toute amitié que je vous l’offre, copains motoneigistes, et je vous souhaite de vivre des expériences exceptionnelles et des voyages sécuritaires. "

– Greg du Vermont.  

Exactement comme vous.

Je ne suis pas un écrivain.  Pour tout dire, c’est mon premier écrit depuis que je suis sorti du collège.  Par contre, je suis un motoneigiste.

Mes amis et moi sommes probablement exactement comme vous.  Nous sommes des hommes célibataires de race blanche âgés d’environ 30 ans.  Nous avons de très bons emplois; certains possèdent une maison, d’autres louent un appartement.  Nous allons à la chasse et à la pêche, nous regardons des parties de football et les courses de NASCAR, nous fréquentons les bars et les festivités religieuses.  Nous avons des problèmes avec les femmes, nous aimons les autos qui vont vite et les films d’Arnold Scharzenegar.  Nous croyons que nous sommes capables de danser, mais nous ressemblons à Frankenstein en pleine crise cardiaque quand une fille nous traîne sur la piste de danse.  Nous pourrions sans doute changer de place avec n’importe lequel d’entre vous et bien nous intégrer à votre groupe.

Au cours des années, nous avons été propriétaires de motoneiges de tous les manufacturiers.  Nos premières machines étaient de la ferraille et on en rit encore.  Nous nous occupons de nos propres machines et nous nous entraidons les uns les autres.  Nous surveillons les prévisions météorologiques pour savoir s’il va neiger et nous lisons toutes les revues de motoneige en salivant devant les nouvelles machines.  Nous roulons 600 milles en camion pour faire 200 milles en motoneige.  Ça nous est tous arrivé d’entrer trop vite dans un virage ou de manquer un virage en pleine nuit à un moment donné.  Nous nous moquions des motoneigistes lambineux qui avançaient à 15 m/h.  Nous conduisions avec le sentiment d’invincibilité propre à la jeunesse.

motoneige sécuritéCrédit photo : Kimpexnews.com

Notre jeunesse a pris fin un jour de février, il y a quelques hivers seulement.

À environ 10 milles à l’extérieur d’une petite ville, à 11h00 du soir, mon ami est mort.  Il n’avait que 28 ans.  Il est mort à moins d’un demi-mille du chalet, moins de 30 minutes après avoir débarqué nos motoneiges de la remorque.  La reconstitution de l’événement a démontré qu’il avait percuté une souche sous la neige, puis qu’il avait été éjecté de sa monture et qu’il avait frappé un arbre.  Au moins, il n’a pas souffert.  On soupçonnait la vitesse excessive d’être en cause, même si le véhicule n’était pas une perte totale.  On aurait dit qu’il avait juste débarqué de sa motoneige.  Oui, il avait bu UNE ou DEUX bières, mais je dois dire que j’ai déjà vu du monde en boire beaucoup plus – je ne l’excuse pas, mais je sais que vous aussi vous l’avez fait.  Du plus loin que je me souvienne, Jim a toujours conduit, au moins plus de 5 ans.  Depuis 3 ans, il conduisait la même motoneige.  Nous avons tous déjà lu les articles de journaux qui donnent peu de détails; ils nous portent à croire que c’était un pilote sans expérience, ivre mort, sur une toute nouvelle motoneige à gros empattement.

Ce que les articles de journaux ne montrent pas, c’est comment tout le monde autour est affecté.  Ils ne montrent pas l’horreur indescriptible de voir un ami proche étendu dans la neige, qui saigne des yeux, des oreilles, du nez et de la bouche.  Ils ne montrent pas le regard vide dans ses yeux qui ne clignent pas pendant que vous essayez d’effectuer les manœuvres de réanimation apprises au secondaire.  Ils ne montrent pas la panique ressentie durant le plus long demi-mille jamais conduit pour retourner  au chalet et composer le 911.  Ils ne montrent pas le sentiment d’impuissance alors que vous passez la plus longue DEMI-HEURE de votre vie à attendre une ambulance.  Ils ne parlent pas d’hommes qui n’ont pas prié depuis des années et qui soudainement tombent à genoux et se mettent à prier.  Ils ne montrent pas à quel point vous êtes mal à l’aise de conduire SON camion pour aller à l’hôpital.  Ils ne montrent pas le froid que vous ressentez quand, après avoir attendu jusqu’à 4h30 du matin, les médecins vous annoncent ce que vous savez déjà mais que vous ne voulez pas entendre.  Ils ne parlent pas de la vague d’émotions qui vous submerge quand vous devez appeler les parents de votre ami au milieu de la nuit pour leur dire que leur fils est mort.  Ils ne disent pas que ses amis vont passer plusieurs nuits sans dormir.  Ils ne parlent par des cauchemars qu’ils font quand ils réussissent à s’endormir.  Ils ne parlent pas des enquêteurs qui se pointent le lendemain à 8h00 du matin pour remplir des formulaires et leur faire revivre l’événement une autre fois.  Ils ne parlent pas d’hommes matures qui fondent en larmes.  Ils ne parlent pas du plus long et du plus silencieux retour à la maison qu’on n’ait jamais eu.  

Son colocataire est celui qui l’a trouvé, qui a appelé ses parents et qui a conduit son camion à la maison.  Il a fermé les stores de la fenêtre de cuisine pour ne pas voir son camion.  Il a dû fermer les armoires de cuisine pour ne pas voir sa boîte de Corn Flakes.  Maintenant, il a peur du noir.  Notre saison est terminée.

Le corps humain est si fragile, si facile à se briser.  Si vous avez un accident près d’une grande ville, les secours sont à seulement 5 minutes de distance.  Si vous avez un accident en pleine forêt, les secours pourraient être à plus de 80 km de distance.  Pensez-y !

Je ne réclame pas de limites de vitesse ni aucune autre restriction.  Seulement, s’il vous plaît, S.V.P. soyez prudents.  Ralentissez juste un peu.  Laissez faire cette bière et prenez donc une boisson gazeuse à la place.  Demandez-vous si cette bière vaut la peine de prendre le risque de vous envoler à travers les arbres.  Vos amis VONT VOUS ATTENDRE.  La mort est définitive.  Pensez à tous les bons moments que vous manqueriez.  Prenez quelques minutes et regardez les beautés de la nature.  D’autres ne peuvent plus le faire.

Nous avons enterré mon ami aujourd’hui.  Si une personne seulement est touchée par cette perte inutile, si une seule vie est sauvée, alors sa mort aurait une signification et nous pourrions tous faire notre deuil.

Je sais bien que vous pensez que ceci n’arrive «qu’aux autres».  Nous aussi, nous le pensions … Exactement comme vous.

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