Les visiteurs étaient accueillis par un sculpteur qui taillait un énorme bloc de glace avec une scie mécanique. Je m’attendais à une sirène ou à un oiseau, mais il sculptait une motoneige, dans tous ses détails.
Du beau travail, quand même, et les thèmes du Barbegazi – Festival hivernal de sports d’action – étaient illustrés. Sauts en motoneige, concours de bûcherons, sports de glisse en milieu urbain.
Il y avait bien 1000 personnes sur l’esplanade du Stade olympique, samedi, et il fait toujours bon voir ces grands espaces si longtemps désertés retrouver une sorte de vie. Le fait qu’ils aient été oubliés pendant autant d’années est un autre petit scandale montréalais.
Le DJ était bien en place, les roulottes de street food servaient des gaufres, du pulled pork du bûcheron, des merguez, des burgers et de la bière, bien sûr. La fête allait durer jusqu’à 23 h pour les plus résistants.
Pierre-Luc Trépanier, 24 ans, de Trois-Rivières, était une des vedettes de la journée. Il attendait son heure pour voler avec sa motoneige. Il portait des protecteurs à la tête, aux épaules, aux genoux, aux mains et aux pieds.
Pierre-Luc Trépanier en a mis plein la vue lors du festival Barbegazi, sur l’esplanade du Stade olympique.
PHOTO : BERNARD BRAULT, LA PRESSE
«Être en apesanteur en skidoo, c’est une belle sensation. Je pratique ce sport pour l’adrénaline, pour les émotions. Dans les airs, on n’a pas le temps de penser à ce qu’on va manger au souper.»
«Cet hiver, j’ai fait des spectacles au Lac-Saint-Jean, à La Sarre en Abitibi, au Nouveau-Brunswick, à Louiseville dans ma région…»
Et puis VROUM, voilà l’énorme engin prêt à bondir. Pierre-Luc franchit la rampe de lancement et vole en faisant des figures sur sa bête. Il atterrit sans dommages, et on l’applaudit très fort.
Est-ce qu’il y a des accidents, parfois?
«Ça, on essaie d’éviter…», répond notre cowboy en me regardant d’un drôle d’air.
Et voici le promoteur du Barbegazi, Micah Desforges, 27 ans. On ne croirait pas, à voir sa tuque, ses cheveux longs, sa barbe et ses vêtements bariolés qu’il est membre de la Chambre de commerce de l’est de Montréal – ce qu’il est pourtant.
«Le travail avec la RIO se passe très bien. Il fallait agir, la Ville de Québec ramasse tous les événements. On a profité du lock-out de la LNH pour faire une percée médiatique et ça fonctionne bien.»
«J’ai une compagnie de skateboard depuis 10 ans, La Tribu expérimentielle, avec Dominique Poissan. Nous sommes deux fous, avec beaucoup de sous-traitants et de collaborateurs.»
Les bûcherons sortaient leurs haches magnifiques à 500 $ et, pas très loin, des Montréalais patinaient sur une glace et d’autres descendaient sur une énorme glissoire. Ces deux installations sont là tout l’hiver, tous les jours et soirs de la semaine, pour les gens des quartiers Rosemont et Hochelaga-Maisonneuve, gracieuseté de la Régie des installations olympiques (RIO).
Et voici l’homme responsable de tout ça, l’homme qui a ressuscité les alentours du Stade olympique: David Heurtel. Il a d’autres choses à annoncer.
«Vous connaissez la boutique dans la Rotonde? Celle qui servait à vendre des souvenirs des Expos, puis de l’Impact… Au printemps, cet espace deviendra un café-terrasse, le Cafe In Vivo, qui sera géré par un organisme d’Hochelaga-Maisonneuve. Pour faire revivre notre espace, il faut convaincre les gens de Rosemont et d’Hochelaga-Maisonneuve de s’impliquer. Sinon, ça ne marcherait pas. Mais ils sont très intéressés, ils participent et ça crée de l’intérêt et des emplois.»
Autre scoop: le street food, ces restaurants ambulants qui font les délices de plusieurs grandes villes du monde et qui sont interdits à Montréal, aura sa place sur l’esplanade du Stade.
«Les lois de la Ville ne s’appliquent pas au Parc olympique, explique David Heurtel. Alors nous avons le champ libre.»
M. Heurtel va aussi éclairer la tour pour mettre un peu de vie dans ce grand parc de béton. Il a déjà fait peindre de grandes surfaces et prévoit des zones d’ombre pour les chaudes journées d’été. «On apprend chaque année et on s’adapte.»
Il veut ramener l’Orchestre symphonique et bien d’autres choses.
Ce gars-là est tellement cool qu’il m’a rappelé de ne jamais dire ou écrire HOMA pour Hochelaga-Maisonneuve. «Ils n’aiment vraiment pas ça» – ce que je savais pour l’avoir déjà écrit et reçu des courriels bien sentis.
En bavardant, une des relationnistes du Barbegazi m’invite à me réchauffer autour d’un des nombreux feux qui brillent dans des barils de métal. Mais il ne faisait pas froid, ce jour-là.
«C’est dommage, on les a installés à cause de vous. Vous avez écrit que vous aviez gelé lors de notre dernier événement. Ça nous a donné une idée.»
Vous voyez… Il est parfois utile de bougonner.