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ToggleBlanc-Sablon, roche plate, terre de mousse et de petit bois, voilà la description que donnaient nos ancêtres de ce paysage côtier nordique. Il parait même que certaines gens d’alors chauffaient des racines d’arbres tellement le bois était une denrée rare.
Nous sommes ici à la limite du Québec et du Labrador, dans le Golfe du Saint-Laurent juste en face des côtes de Terre-Neuve que nous pouvons voir facilement. Depuis Natashquan et Kegaska, la route 138 se termine et seule la motoneige nous permet de circuler sur les côtes et de visiter les 14 villages isolés les uns des autres par la mer, les baies et les vastes tourbières réticulées.
Dès le 15 janvier, ces communautés cessent d’être approvisionnées par voie d’eau depuis Rimouski. Le N/M Bella Desgagnés qui a succédé au Relais Nordik pour desservir les populations localisées sur 900 milles / 1 448 kilomètres de côte, regagne ses quartiers d’hiver. La motoneige devient alors le seul moyen terrestre de se déplacer sur les 500 km qui séparent Natashquan-Kegaska des limites du Labrador. Vers le 15 janvier, c’est l’ouverture annuelle de la Route Blanche, qui permettra alors aux gens des villages de se désenclaver et de visiter, d’échanger jusqu’à l’arrivée en mai des outardes qui précèdera le retour du Bella Desgagnés.
La route des fêtes de village
L’ouverture de la Route Blanche est le début d’une grande saison d’échanges et de fêtes pour ces gens car contrairement à nos croyances, c’est en été que ces villages sont isolés et enclavés. Les longues baies, les tourbières, les rivières sont maintenant gelées jusqu’à la fin d’avril et tout à coup, la route 138 se prolonge puis fondera comme neige au soleil alors que reprendront les activités saisonnières traditionnelles de pêche et de commerce.
En hiver, la population de plusieurs de ces petits villages augmente en nombre car les travailleurs saisonniers qui doivent s’expatrier sont de retour au bercail. Ils s’occupent à réparer leurs gréements de pêche, à trouver, couper puis préparer le bois de chauffage pour la prochaine saison et à participer à des activités communautaires et sportives.
Les camionnettes arrivées par bateau sont au repos là où la neige les a obligées. Elles redémarreront lorsque la neige aura fondu. Maintenant, la motoneige est reine. Les rues ne sont plus que sentiers et chaque maison compte plusieurs motoneiges permettant de se déplacer. Les parties de hockey sont maintenant possibles et la compétition entre les villages génère de nombreux déplacements. Les stationnements autour des patinoires couvertes et arénas sont bondés de motoneiges. Avant ou après le match, c’est le repas au restaurant toujours accessible uniquement en motoneige. On pratique la pêche blanche en motoneige de même que le piégeage.
La motoneige est reine
Toute la vie dépend du transport en motoneige. On s’en sert pour aller prendre son courrier et échanger quelques mots avec la postière. Les paquets contenant les achats sur le web peuvent être alors rapportés bien attachés jusqu’à destination. Si la famille manque de denrées, c’est en motoneige que le marché sera fait au magasin local ou dans la communauté voisine. Parfois, il faut un traineau pour rapporter les denrées à la maison. On rencontre souvent 2 adultes et 2 enfants assis sur la même motoneige. On ne va pas vite, mais c’est encore mieux que les raquettes ou le traineau à chiens des ancêtres. Aujourd’hui, les motoneiges sont fiables et même plus fiables et de meilleure endurance que les chiens. Eux aussi sont à la retraite et sont très heureux de voir arriver des visiteurs. Parfois, c’est toute la famille de chiens et de chiots qui viennent vous recevoir avec l’espoir de se faire flatter et dorloter. Ils sont à l’image des gens et sont heureux de vous accueillir.
Certaines familles pourront même vous montrer des photos d’une mariée toute de blanc vêtue se rendant à l’église en motoneige. Les funérailles avec motoneiges et traineaux, les gens de métier bref, c’est également la réalité des rues non déneigées.
Une blessure ou un mal soudain? C’est en motoneige qu’on aura accès au dispensaire du village où l’infirmière avec peu de moyens vous remettra sur pied. Aucun délai, aucun triage, aucun numéro, à peine stationné et le traitement est en cours. Le moteur de la motoneige aura à peine le temps de refroidir. Si nécessaire, on vous reverra demain après une bonne nuit dans ces petits hôtels nordiques et ces maisons de pension. Dire que des motoneigistes d’origine urbaine craignent l’isolement de la Côte-Nord. Moi, c’est l’isolement à travers les salles de triage des grandes villes que je crains vraiment.
Dans les petites communautés, le mécanicien dans son atelier connait tous les secrets des motoneiges, car c’est le seul moyen de déplacement. Il a sa réserve de pièces ou vous en bricolera une qui tiendra le coup jusqu’au prochain concessionnaire. Pour vivre ici, il faut être débrouillard et imaginatif. Il est facile de trouver de l’essence et des huiles car toutes les familles possèdent plusieurs motoneiges. Les réserves d’hiver ont été faites par le Bella Desgagnés et devraient suffire aux besoins.
Des établissements d’hébergement et des tables à découvrir
Pour se loger, aucun gros hôtel, aucune chaine hôtelière, que de petites auberges ou des pensions de familles. Des gites qui offrent les repas et des chambres charmantes et confortables. Aucun supplément pour une fenêtre sur la mer. La cuisine traditionnelle vous fera découvrir la chicouté servie sur les crêpes du matin, les croquignoles à l’huile de loup-marin, les poissons et fruits de mer de la région parfois surgelés, en conserves ou fumés, servis en tourtières, des viandes rarement disponibles en épicerie, bref des menus qui resteront en mémoire. Certains petits restaurants servent aussi les frites-sauce, mais ont fait leur renommée avec leur pizza aux fruits de mer ou encore avec les clubs sandwichs au crabe ou les pétoncles sautés. Le « fast food local » très gouteux et dont les composantes feront succomber les nutritionnistes les plus critiques. Le « comfort food », quoi!
Et le motoneigiste dans tout ça?
Visiter la Minganie, c’est découvrir des lieux habités depuis bien avant l’arrivée de Jacques Cartier. Les Européens y sont venus pour chasser la baleine et le loup-marin, ramener les huiles, les poissons, bref alimenter les gens des vieux continents. Au cours des siècles, ces villages de pêcheurs, chasseurs, trappeurs et cueilleurs se sont formés et ont connu des populations plus importantes qu’actuellement qui travaillaient aussi dans des usines de préparation de poisson. Un grand nombre de gens vivaient de ces ressources et doivent maintenant trouver du travail saisonnier à l’extérieur.
Par contre, un Nord-Côtier demeure avec des racines profondes et tous mettent l’épaule à la roue pour maintenir l’activité notamment en offrant des services aux touristes désireux de découvrir les secrets du village de Gilles Vigneault. Aussi, les lieux de la Grande séduction, soit l’ile de Harrington Harbour avec son Centre d’interprétation de la maison Rowsell et ses pensions, le village accueillant de Chevery dont les tours guidés d’Ana Osborne.
La réserve d’Innus Unamen Shipu au confluent de la rivière Romaine est aussi desservie par la Route Blanche. Ce village est la plus importante communauté d’Innus et compte plus de 1 200 résidents. Différents services d’hébergement et d’approvisionnement sont disponibles de même que la participation à des activités traditionnelles et culturelles. Vivre une cérémonie de sudation sous la tente, visiter l’église et ses pièces d’art ou l’achat d’artisanat innu dans les familles constituent des activités à ne pas manquer.
Puis, ce sont les villages de Baie des Moutons, La Tabatière, Tête-à-la-Baleine et son archipel qui compte des centaines d’iles encore habitées en saison qui méritent une visite guidée sur les sentiers qui empruntent la mer gelée. L’ile et la maison de Jos Hébert, postier de toute la Côte qui couchait parfois sous son traineau avec ses chiens le temps de laisser passer la tempête et laisser revenir la visibilité pour livrer son courrier sur la Côte. L’ile Providence avec son église et les quartiers du curé sont aussi des endroits à découvrir. Martin Marcoux, aubergiste à La Tabatière, vous guidera et vous fera découvrir ce vaste archipel et tous les services de proximité.
Saint-Augustin, village de 800 habitants, dispose aussi d’une auberge et du populaire Restaurant des Sœurs, toujours très occupé. Sur l’autre rive de cette rivière à saumon, vit de façon traditionnelle une communauté de plus de 300 Innus ou Montagnais qui sont fiers de perpétuer leurs langue, us et coutumes. Rivière-Saint-Paul compte également une population de 700 personnes et était connu par la qualité de ses pêches dans ses baies et son archipel. Un petit musée fort intéressant est ouvert sur demande et M. Nadeau, guide local, utilise le matériel pour bien expliquer les méthodes de pêche d’autrefois, les bateaux et l’évolution de cette industrie depuis quelques centaines d’années. Enfin, après avoir traversé Vieux-Fort, le sentier arrive à Blanc-Sablon, le chef-lieu de la Minganie qui compte plus de 1 000 habitants.
Puis, c’est l’arrivée à Lourdes-de-Blanc-Sablon qui compte plusieurs établissements d’hébergement dont l’Hôtel/Motel Blanc Sablon et l’Auberge Motel Quatre Saisons de Gary Landry. On y retrouve également un concessionnaire Arctic Cat, Sport Max Location. Le propriétaire, M. Yves Lévesque, offre également des voitures de location pour ceux qui désirent faire une pointe dans les villages du Labrador et admirer les paysages de la Côte. C’est de Blanc-Sablon que les motoneigistes peuvent aussi avoir accès aux sentiers bien entretenus du Labrador jusqu’à Red Bay ou encore traverser par bateau à Terre-Neuve. Enfin, il faut mentionner que c’est dans l’île Greenly face à Blanc-Sablon que s’est terminé le premier vol d’avion transatlantique en provenance de l’Irlande le 12 avril 1928.
Un secret bien gardé!
Visiter la Minganie en motoneige, c’est se joindre au mode de vie de cette population nord-côtière qui s’est attachée à des lieux exceptionnels et en pleine nature.
Deux façons d’accéder
On peut s’y rendre en empruntant le sentier no 3 qui longe la rive nord du fleuve Saint-Laurent jusqu’à Tadoussac et de là, 1 671 kilomètres de sentiers balisés et bien entretenus vous mèneront à Blanc-Sablon. On peut aussi partir du bout de la 138 à Natashquan ou Kegaska.
Une autre façon plus rapide est de voler avec Provincial Airlines jusqu’à Blanc-Sablon et de profiter du forfait hébergement, location de motoneige et guide pour découvrir les 500 km de la Minganie. Dans cette alternative, il faut communiquer avec la coopérative COSTE localisée à Rivière-au-Tonnerre qui planifiera pour vous une découverte sur mesure de ce paradis nordique où la motoneige est reine.