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La Russie sur les traces du Québec

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Au fil d’un sentier cahoteux, au milieu d’une nature qui ressemble à s’y méprendre à la forêt québécoise, je roule à l’avant d’un convoi de motoneigistes qui participe à l’inauguration du premier sentier de motoneige à vocation touristique en Russie. On croirait revivre les balbutiements, il y a plus de 25 ans, de ce qui est devenu chez nous une véritable industrie.

Même si la motoneige a toujours été associée à l’univers hivernal en Russie, le développement de l’activité, de sa pratique et de ses infrastructures n’en demeure pas moins embryonnaire. Depuis les années 60, et même avant, de nombreux manufacturiers de motoneige sont apparus en Russie. Aucun n’a survécu. On ne trouve plus qu’un seul fabricant en Europe, Lynx, implanté en Finlande depuis 1971 et propriété de BRP (Bombardier Produits récréatifs). Toutefois, grâce à l’apparition relativement récente d’une classe sociale fortunée qui peut s’offrir tout ce dont elle rêve et plus encore, la motoneige connaît un nouvel essor et voit ses ventes décupler d’année en année. Devant ce phénomène, des promoteurs envisagent la possibilité de mettre sur pied un réseau de sentiers qu’ils souhaitent comparable à ce qui se fait chez nous. Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres.

Rappelons que le Québec dispose d’un réseau de pistes fédérées, balisées et entretenues de plus de 30 000 km de longueur qui permet d’explorer toutes les régions jusque dans leurs moindres confins habités. Le Québec a également mis sur pied une fédération nationale (FCMQ) qui regroupe 213 clubs dont la gestion est axée sur le bénévolat et qui doivent veiller à la qualité des infrastructures sur leur territoire.

La Russie, pour sa part, propose un grand maximum de 200 km de sentiers, dont la moitié aménagée en 2007 lors d’une expérience pilote à Mourmansk, au nord de la Russie d’Europe, et le nouveau circuit officiel ouvert dans la banlieue de la ville d’Iekaterinbourg, en Oural. Dans ce dernier cas, nous sommes à deux heures et demie d’avion de Saint-Pétersbourg, à la frontière de l’Europe et de l’Asie.

Quant à l’organisation du futur réseau touristique, il ne peut s’appuyer sur le bénévolat ou sur le dévouement d’amateurs puisque la notion de bénévolat semble une abstraction totale en Russie. Même le concept de loisir demeure encore suspect. Plus encore, l’idée de loisir organisé ne fait apparemment pas partie de la culture. «Quand tu veux faire du ski de fond, tu mets tes skis et tu pars en forêt», m’explique la coordonnatrice du projet de développement motoneige chez Rosan-BRP, Maragarita Sandal. Même chose pour les adeptes de motoneige, qui comprennent encore difficilement pourquoi on leur aménage des sentiers alors qu’ils peuvent pratiquer leur sport n’importe où.

Il aura fallu quelques visionnaires comme Roman Kanevsky, président du conglomérat Rosan, distributeur BRP en Russie, qui investit des millions dans cette initiative, ainsi que Vasily Smertin, administrateur de la même entreprise, un grand gaillard tout à fait représentatif de la nouvelle génération de capitalistes engendrée par l’extinction du régime communiste. Vasily Smertin est venu au Québec. Il a vu… Mais n’a pas encore vaincu. Pour lui, la seule façon de développer la pratique de la motoneige et le tourisme hivernal en Russie est d’en faire assumer la responsabilité totale par l’industrie privée… La sienne! C’est du moins la vision qu’il a présentée en conférence de presse à Iekaterinbourg, aux côtés du député ministre du Tourisme, Brylyakov Konstantin, et des représentants européens de BRP. Pour l’occasion, on avait invité l’ex-directeur général de la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec, Raymond Lefebvre, qui a fait briller les yeux à la table d’honneur en mentionnant que le tourisme à motoneige engendre chez nous 750 millions $ par année en retombés directes. Les journalistes russes, en grand nombre pour l’occasion, ont manifesté beaucoup d’intérêt envers le projet en posant des questions sur ses impacts environnementaux et sociaux, mais sans vraiment réaliser l’ampleur et la complexité d’une telle initiative.

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